Dans la commune de Bras, entre Barjols et
Brignoles, se trouve un étang d’une minime étendue mais d’une
profondeur assez grande qui passait pour avoir eu, dans les siècles
derniers, une origine surnaturelle et présentait même des
phénomènes qu’une superstition locale expliquait d’une manière
peu en rapport avec les lois physiques de l’ordinaire des choses.
C’est ainsi que la tradition racontait gravement
que, jadis, il y avait eu, sur l’emplacement de cet étang, un
village peuplé de nombreux habitants et vivant d’une vie prospère.
Mais ce village était composé de gens peu vertueux, aimant plus le
plaisir que le travail et se laissant aller à tous les vices, y
compris celui de l’irreligion. De nombreux avertissements leur
avaient été donnés en maintes circonstances, sans qu’ils eussent
voulu se convertir jamais.
À un moment donné, ils furent tellement
irrévérencieux pour la fête de la Sainte Madeleine qu’ils
encoururent la colère céleste. En effet, par une belle nuit de
juillet, le ciel se couvrit de nuages, la pluie se mit à tomber avec
rage, les ruisseaux des environs se gonflèrent d’une manière
inusitée, l’eau se mit même à sortir de sous-terre en tant
d’endroits que le lendemain matin, on ne trouva plus qu’un lac,
là où la veille était le susdit village. La chose est tellement
vraie, ajoute le conteur, et la raison du châtiment tellement
palpable que toutes les années, pendant le jour qui précède sainte
Madeleine, on entendit le cri de douleur et de désespoir des
malheureux qui furent noyés en punition de leurs péchés et qui
sont condamnés aux peines éternelles de l’enfer.
Le châtiment de ces irréligieux avait même,
croyait-on dans le temps, un petit air de menace bien décidée
vis-à-vis des habitants de Bras qui avaient été, parait-il,
prévenus – d’une façon assez péremptoire pour faire trembler
plus d’une dévote – que si le jour de saint Marc, ils oubliaient
jamais de faire une procession autour de l’étang, il leur
arriverait quelque chose de fort désagréable : des flammes,
par exemple, sortiraient de l’eau et viendraient les griller aussi
bien et aussi complètement que la pluie surnaturelle de la sainte
Madeleine avait noyé jadis leurs voisins.
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