La maison du chapelet

Il existait, à l’extrémité ouest du bourg de Champrond, à droite dans une prairie et sur le bord de la route, une maison isolée connue sous le nom de « la maison du chapelet ». Dans cette maison, existait autrefois, et peut-être encore aujourd’hui, pendu à un poteau enclavé dans le mur du fond, un chapelet fait de grosses mailles de bois qui avait noirci avec le temps. Une superstition était alors attachée à cette maison, et surtout à ce chapelet, qu’il ne fallait pas même changer de place.

Il y avait en outre, pour ceux qui l’habitaient, obligation de faire, tous les ans, pour la messe de minuit, un pain béni. Si on manquait à cet usage, il se faisait la nuit même dans la maison un vacarme à effrayer les plus intrépides.

Or, il y a environ trente-cinq ans, le locataire qui l’habitait, étant dans le besoin et chargé de famille, ne put faire le pain bénit. Alors le bruit ne se fit pas attendre ! On entendit remuer du bois dans le grenier, bien qu’il n’y en eut pas ; on y remue aussi du blé, bien qu’il n’y en eût pas ; on entendit remuer les cendres, allumer, souffler le feu, remuer la pelle et les pincettes.

Le locataire allumait la chandelle et trouvait les cendres, la pelle et les pincettes dans l’état où il les avait laissés en se couchant.

Cependant, l’effroi gagnait la maison, excepté toutefois le maître lui-même. Mais sa femme et ses enfants ne dormaient pas.

Enfin, une nuit, on entendit comme un plafond qui se crève et quelque chose de lourd tomber lourdement sur un meuble, en faisant entendre en même temps un fort gémissement. Si bien que lorsqu’on raconta le fait, le lendemain, à la grand-mère de l’auteur qui croyait à la superstition attachée à cette maison, elle donna, pour faire cesser cette erreur, la farine, le beurre et les œufs pour faire le pain bénit.

Et depuis lors, nul bruit ne s’est fait entendre et les locataires demeurèrent en paix.

Prosper VALLERANGE (1861)

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