— Que celui de nous deux qui a sciemment tort soit frappé de la foudre.
Il disait ces paroles solennelles pour en imposer à sa sœur, car il savait trop bien que ses propres prétentions étaient injustes. Au moment, cependant, où il achevait de prononcer ce parjure, se confiant à la sérénité du ciel pour railler impunément la puissance de Dieu, un violent coup de tonnerre se fit entendre, sans qu’on vît aucun nuage s’élever dans l’atmosphère ; la foudre éclata, frappa le sire de Villeret d’une manière si terrible, que sa tête, abattue d’un coup, bondit sur la terre, et y creusa un trou par lequel elle disparut.
Depuis cette époque, un beau lévrier vint hanter
chaque soir la grande salle du château ; il se tenait toujours
à la place d’honneur, à côté de la cheminée. Durant les
longues soirées d’hiver, jamais il ne lui arriva de déserter le
foyer, et, si quelqu’un s’avançait pour lui disputer sa place,
le lévrier se dressait sur son séant, et, de sa patte droite,
allongeait un soufflet lourd et piquant à cet hôte incivil.
Cependant, le voisinage du mystérieux lévrier inspirait une sorte
de contrainte pénible aux habitants du château. Un de ceux-ci
voulut tenter par des voies plus douces d’éloigner l’importun.
Il s’approcha civilement du chien, et lui dit
avec beaucoup de respect :
— M. de Villeret, voudriez-vous me céder
votre place ?
L’animal merveilleux ne se le fit pas dire deux
fois ; il disparut pour jamais, soit qu’il eût été touché
de la politesse de cette instance, soit plutôt qu’il eût été
blessé de voir son incognito si honteusement trahi.
Amélie BOSQUET (1848)
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