Après quelques pas, ils fléchissent le genou, baissent la tête, et, balayant la terre avec leurs fanons, ils remplissent le ciel de doux mugissements. Vous diriez que, comme dans l’étable de Bethléem, au berceau du Seigneur, ils reconnaissent leur Maître. Le laboureur est d’abord frappé d’étonnement, puis de stupeur, et, voyant l’opiniâtre immobilité de ses bœufs, il crie au prodige. Tremblant de tous ses membres, ce bon villageois ne sait à quoi se décider dans des circonstances aussi extraordinaires. Que fera-t-il ? Il appelle à la hâte des cultivateurs voisins, et ceux-ci ne sont pas moins étonnés que lui de choses aussi surprenantes.
Comme d’ordinaire, le récit de cet événement vole de bouche en bouche : les habitants accourent de la ville et des campagnes ; les garçons et les jeunes filles se précipitent en troupes. Cependant, les bœufs restent immobiles et mugissants, comme ceux qui ramenaient l’arche d’Accaron à Israël. Quels sentiments agitent alors le peuple ! Les uns crient au miracle ; les autres, dont les sanglots étouffent les paroles, frappent leur poitrine : ceux-ci, les yeux levés au ciel, adorent la toute puissance de Dieu ; quelques-uns accusent la lâcheté des mortels : Dieu, disent-ils, Dieu veut sans doute recevoir des bêtes un culte que l’homme lui dénie. Tous fondent en larmes :
- Que faisons-nous, amis, que faisons-nous ? s’écrie un homme d’une haute sagesse. Ce n’est pas le gazon que les bœufs adorent. Ce sol, où ils sont prosternés, recèle quelque chose de grand et de divin. Ce n’est pas un accident, ce n’est pas la fatigue qui les abat : leurs mugissements nous disent assez qu’il faut ouvrir la terre. Il dit : les mains, les bâtons, tout ce qu’on rencontre est mis en œuvre.
À peu de profondeur, on découvre un tombeau de marbre qu’on retire ; et si l’arche de Dieu cachée par Jérémie était rapportée au temple par les Hébreux, elle n’exciterait pas une plus grande jubilation. Un prêtre appelé arrive : il ouvre le sarcophage et y trouve la Vierge de Manosque revêtue d’ornements précieux et chargée d’or. Le peuple est transporté, il fête ce jour heureux ; et d’une voix unanime il demande un temple pour Marie. Elle reçut alors le nom de Vierge de Romigier, des ronces qui la cachaient et qu’on appelle roumi dans la langue du pays.
La statue de la Vierge qui fut trouvée dans ce sarcophage, est exposée à la vénération des fidèles dans la chapelle qui lui est dédiée. Elle est haute de soixante et dix centimètres, assez mal sculptée en bois ; elle a cette couleur noire que portent tous les anciens ouvrages de dorure, quand celle-ci a été détruite par le temps.
Abbé FÉRAUD (1848)
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