L’église de Saint-Jean

Corse

À Sainte-Marie-Figaniella

En face du golfe bleu du Valinco, sont les coteaux abrupts des « Pietri rossi » (pierres rouges) aux flancs desquels est accroché, pareil à un nid d’aigle, le petit village de Sainte-Marie-Figaniella. Au temps où la foi agissait, les gens de la localité ayant décidé de construire une église, choisirent l’emplacement et commencèrent le transport des matériaux.
La surprise fut grande lorsque, le lendemain, on constata que les pierres apportées s’étaient transportées sur un point assez éloigné. On crut à une mauvaise plaisanterie de la part des jeunes gens, et après avoir grondé, les vieilles barbes firent rapporter au lieu d’em
ploi, les moellons déplacés, puis l’approvisionnement se poursuivit. Mais le lendemain, au réveil, on refit la fâcheuse constatation de la veille. Les choses se gâtèrent et on décida de monter la garde pour récompenser, le cas échéant, d’un coup d’escopette, les « travailleurs nocturnes ».
La veillée fut longue, anxieuse, mais à minuit la surprise fit place à la frayeur, car une forme humaine habillée de blanc, conduisant un char attelé de deux bœufs, également blancs, mit toutes les pierres sur son véhicule et, sans le moindre bruit, s’en fut les déposer à l’endroit où elles avaient été trouvées lors du premier dérangement.
Les factionnaires, quasi morts de terreur, racontèrent ce qui était advenu, mais on les traita d’imposteurs et les pierres furent une fois de plus ramenées à leur première destination.
À minuit, l’homme blanc revint et manœuvra devant toute la population prise d’effroi ; on crut reconnaître saint Jean dans le fantôme. Dès lors il fut décidé que l’église serait bâtie là où le saint avait déposé les pierres, puis la superstition s’en mêlant, les paroissiens prirent saint Jean pour leur patron. La chapelle porte le nom de Saint-Jean, et, en souvenir de l’apparition, la fête du village a lieu le 21 juin.

Jules AGOSTINI (1902)

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