Lou vingto-cinq dé Mars
Pren tou caléou
Vai lou djita à la mar.
En français : Le vingt-cinq mars, prends
ta lampe, va la jeter à la mer. À cette date, les Tavelleuses,
jeunes filles qui travaillaient aux Tavelles ou moulins à
dévider la soie, se réunissaient pour faire une sorte de radeau
qu’elles enguirlandaient de rubans et de rameaux de buis. Elles y
plaçaient deux poupées et un certain nombre de coquilles
d’escargots garnies d’huile et de mèches qu’elles allumaient ;
les préparatifs terminés, le cortège parcourait le village puis se
dirigeait vers un cours d’eau voisin de la fabrique et on
abandonnait au courant l’esquif et sa cargaison. Les jeunes filles
suivaient la rive en chantant différents couplets dont le refrain
était à peu près celui-ci : "Marion se promène au
bord de l’eau, au bord du ruisseau."
Les chants continuaient jusqu’à ce qu’un
obstacle eût fait sombrer la frêle
embarcation, éteint les lumières
et noyé les poupées.
Lou Caléou, c’est-à-dire la lampe des
veillées, était ainsi jetée, non à la
mer, mais à l’eau. Dès ce
jour, le travail à la lumière cessait dans toutes les fabriques du
pays.
Le soir de ce même jour, les jeunes filles
organisaient un bal où les
danseuses invitaient elles-mêmes
leurs cavaliers.
Cette coutume a disparu depuis plusieurs années.
La cause en est, sans
doute, aux vicissitudes qu’a
subies l’industrie séricicole en Provence et aux chômages
fréquents dans les Tavelles. Il m’a paru utile de recueillir cet
exemple intéressant et peu commun, je crois, de la mise en scène
d’un dicton populaire.
Dr Philippe REY (1886)
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