L’ermitage du bois de la Croisette

Nord
Il existait dans la cour de l’ermitage une vieille chapelle qui, chaque année, à la mi-Carême, attirait un immense concours de pèlerins, qui venaient à Saint-Rémy-Chaussée
offrir leurs prières et leurs dons au grand saint Antoine.
On raconte, à l’occasion de ce pèlerinage, qu’un paysan, s’étant égaré pendant une nuit obscure dans un sentier étroit de la forêt voisine, fit rencontre d’un animal qui lui parut semblable à un mouton. Il pensa que quelque pâtre l’avait perdu, ou peut-être c’était une offrande échappée des mains de saint Antoine. Comme l’animal paraissait docile, le paysan délia la courroie qui lui servait de ceinture, l’attacha au cou du prétendu mouton qu’il chargea sur ses épaules, dans l’intention de le remettre au propriétaire, ou à défaut, d’en faire son profit ; mais à peine eut-il fait quelques pas, qu’il entendit dans le lointain une voix qui criait :
— Ouh… ouh !
À laquelle l’animal répondit aussitôt d’un ton aigu :
— On me carriole… on me carriole !… (ce qui dans l’idiome du pays signifie : ou m’emmène ou me charrie). Justement effrayé de ce phénomène, le paysan voulut se débarrasser de son fardeau, mais quel fut son étonnement, lorsque au lieu de l’animal qu’il portait, il n’aperçut plus qu’un amas de vapeurs lumineuses, au milieu desquelles lui apparut très distinctement l’image du saint avec tous ses attributs. Une petite chapelle en bois fut érigée en ce lieu miraculeux, (elle existait encore en 1818) et l’on prétend y avoir vu et entendu plusieurs fois le singulier animal, mais personne n’est plus assez hardi pour en charger ses épaules.

Mme CLEMENT HEMERY(1829)

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