Le radeau qui méduse

On se trouve devant une cascade qui sort directement du lac du Garbet.

Si l’on examine attentivement cette cascade quand les eaux sont basses, on remarque quelques vestiges de maçonnerie. La tradition nous apprend, en effet, qu'il y a environ trois siècles et demi, un nommé Tariol, dont la famille existe encore, avait bâti une écluse en cet endroit pour retenir les eaux du lac. Ce personnage parait avoir joué un rôle assez important dans le pays, pour que nous essayions d'esquisser sa physionomie
Tariol était le plus riche bourgeois d'Aldus, le seigneur, comme on disait à cette époque. Il avait droit de porter épée et montrait un certain esprit d'initiative qui achevait de le mettre au-dessus de ses compatriotes. Ayant eu occasion d'alter à Toulouse, il avait remarqué que les bois de construction étaient rares dans la plaine, tandis qu'ils abondaient sur les montagnes, et conçut le projet d'exploiter cette industrie sur une grande échelle. II débuta par construire les écluses du lac de Garbet. Puis, il abattait un certain nombre d'arbres dans les forêts qui couvraient la vallée d'Ercé ou les vallées voisines, et les faisait rouler, après les avoir débarrassés de leurs branches, jusqu'à Vie, au confluent du Garbet et du Salât. Quand son radeau était prêt, il fermait les écluses et ne les ouvrait que trois jours après ; l'eau du lac, ainsi accumulée pendant trois jours et trois nuits, s'échappait en avalanches irrésistibles et apportait un tel volume d'eau au Salât, que cette rivière entraînait le radeau jusqu'à la Garonne, d'où Tariol le dirigeait sur Toulouse.
La tradition ajoute qu'il ne fut pas heureux dans son entreprise d'exploitation des bois et qu'il y perdit la plus grande partie de sa fortune Une telle entreprise ne pouvait, en effet, réussir qu'à la condition de canaliser le Salât, et on se figure sans peine les difficultés d'un pareil travail.

Adolphe d’ASSIER (1884)

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