Le Vaux-de-Roche

Le vallon de Glais, qui prend sa naissance sous le fort de Blâmont et qui traverse une partie de l’ancien comté de Montbéliard ou du pays d’Ajoie, est un séjour aimé des fées et des esprits.

C’est sur la riante vallée de Glais que débouche le vallon plus petit et plus resserré qu’on appelle le Vaux-de-Roche . Le val de Roche est un ravin tout peuplé de taillis et tout sauvage, qui n’aurait rien de remarquable pour le curieux, gravissant ses sentiers pénibles, si l’on ignorait qu’un esprit malheureux l’a choisi pour sa retraite.
J’ai descendu un soir son ravin privilégié, sans rien entendre d’extraordinaire qui m’avertit de sa présence. Il est vrai qu’il n’était pas tard et que je n’avais pas peur, deux conditions indispensables pour entendre les soupirs de l’Esprit. Autrement, j’aurais senti passer près de moi cette espèce d’âme en peine qui expie sans doute dans le désert les fautes d’une autre vie ; et son aile eût fait siffler l’air que je respirais, comme l’aile de la hulotte ou de l’orfraie. Le sylphe du Vaux-de-Roche ne parle pas à tout le monde.
On dit qu’en lui jetant un peu de beurre et de sel, on se le rend favorable, s’il est contrariant ou mauvais ; cela nous fait conjecturer qu’il ne vit pas absolument de l’air du temps, et qu’il s’accommode de loin en loin quelque sorte de cuisine, afin de varier son régime alimentaire, qui serait par trop austère pour un pénitent païen ou pour un demi-dieu, si tant est qu’il en est un.

Hippolyte MONNIER & Aimé VINGTRINIER (1874)

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