La fontaine Saint-Martin

Saint Martin, encore enfant, s’était gagé dans une ferme du Poitou (à Vicq-sur-Breuilh) pour garder les bestiaux ; et comme son grand désir était de s’instruire, ou tout au moins d’apprendre à lire, Martin, après avoir mis ses bêtes aux champs et s’être assuré qu’il ne leur manquait rien, se rendait à l’école à sept lieues de là, chez le maître du canton.
Un jour, l’instituteur lui fit observer qu’il était distrait.
— Maître, s’écrie l’enfant, j’entends le fermier qui m’appelle.
— Eh ! que dis-tu, Martin ? Comment peux-tu entendre de si loin, de sept lieues ?
— Tenez, Maître, mettez vot' pé (pied) su 1' min, et vous l’entendrez comme mal.
Et sitôt fait, il entendit la voix.
— Va, Martin, va ! celui que tu appelles ton maître n’est que ton serviteur.
Et se jetant à genoux, il lui baisa les pieds.
Quand Martin fut arrivé là-bas, bien loin, au bout de sept lieues, il trouva le fermier en grande colère.
— Ah ! mauvais gas ! je te payons pourtant ben cher ; j’avions confiance en ta vigilance, en ton honnêteté ; tu nous trompes, vilain maraud ! Laisser de même, quallés pauv' bêtes, les laisser mouri de séï !… (soif).
Martin, de sa voix douce, lui dit :
— Non ! les bœufs ne manquent de rien.
Et il appela le plus grand.
— Pichâo, vin ki ; tappe tonpé ki. (Petit, viens ici : frappe ton pied ici).
Et de la terre qu’il avait frappée jaillit une belle fontaine qu’on appela depuis la fontaine Saint-Martin.

Jean BRUNET (1886)

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