Les troupeaux bien protégés

Les fermiers des environs de Buzançais, dans le département de l’Indre, ont la déplorable coutume de suspendre un certain nombre de pies, tuées exprès par eux, dans leurs écuries, afin, disent-ils, que cela porte bonheur aux bestiaux qui les habitent. Il en résulte une odeur abominable. Un de mes amis voulut faire enlever un jour d’une de ses métairies quelques-uns de ces oiseaux tombés en complète putréfaction, mais tous ses efforts échouèrent devant la résistance du fermier, qui prétendit que son maître n’avait absolument pas le droit d’exiger de lui une semblable chose C’était vouloir le ruiner !
Dans le même pays, on n’ôte jamais les toiles que les araignées tissent au plafond des étables et qui pendent en girandoles chargées de poussière presque jusque sur le dos des bestiaux. À entendre les paysans, cela porte également bonheur à leurs troupeaux.
Mais la croyance la plus curieuse de ce pays est la suivante.
Les habitants sont convaincus que lorsqu’il fait de la grêle, on peut être assuré que c’est la faute d’un prêtre fantastique dont quelquefois, paraît-il, on aperçoit la forme dans le nuage dévastateur. Nous croyons, pour notre part, qu’une superstition très analogue existe dans la partie vendéenne du département de Maine-et-Loire. Nous nous souvenons fort bien, en effet, avoir entendu dire dans notre jeunesse que certains prêtres avaient le pouvoir néfaste de faire tomber la grêle dans tel ou tel endroit. Comme dans cette région on trouve encore parfois du gui sur les chênes et que l’on pense que jadis les évêques seuls avaient le droit de le couper, il est fort possible que dans ces prêtres fantastiques, il faille voir le ressouvenir des druides qui, eux aussi, se vantaient de commander aux éléments.

Lionel BONNEMÈRE (1890)

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