Une nuit de Noël, deux femmes s’en étaient allées à la messe de minuit, à Lectoure. En attendant qu’on sonnât à l’église de Saint-Gervais, elles marchaient, sur la promenade du Bastion. Tout en marchant, elles s’entravèrent à une branche.
— Catherine, dit Isabeau, ramasse donc cette branche.
Mais Catherine n’eut pas ramassé la branche, que le vent l’emporta, avec Isabeau, sur le plateau de Bustet, où les sorciers tenaient le sabbat.
Les deux femmes reconnurent là force gens que l’on n’aurait jamais cru s’être donnés au Diable ; et elles en ont nommé plusieurs, qui n’en ont pas été contents. Tout ce méchant monde folâtrait et dansait en rond, en attendant que le Diable arrivât pour faire la paie. Enfin le Diable arriva, sur une charrette attelée de chats et d’escargots, et il ouvrit une grande caisse pleine d’écus et de louis d’or. Mais, à mesure qu’il payait, les écus se changeaient en charbons, et les louis d’or en feuilles de ronces sèches.
La paie faite, le Diable commença la male messe, en faisant le signe de la croix en terre avec le pied gauche ; et il lut le saint évangile tout à rebours. Au moment de la consécration, il leva en l’air une hostie noire à trois pointes ; et les crapauds et les rainettes se mirent à chanter.
Après la consécration, les gens du sabbat s’en allèrent en procession, chacun son cierge noir à la main, baiser le Diable sous la queue.
— Voici votre tour, dit une vieille sorcière à Catherine et à Isabeau. Y voulez-vous aller ?
— Non, mon Dieu !
Au nom Dieu, le Diable prit la fuite avec son méchant monde après lui. Aussitôt, Catherine et Isabeau se trouvèrent reportées sur la promenade du Bastion, comme on sonnait le premier coup de la messe de minuit.
Jean-François BLADÉ (1886)
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