Le nom de Jésus était un charme divin qui faisait pâlir le beau page et le mettait en fuite. La sainte damoiselle, suivie d’une de ses compagnes, allait quelquefois deviser de Dieu et du ciel avec un vieil ermite qui habitait au sein d’une forêt profonde.
Un soir qu’elle revenait d’un de ces entretiens, et que, montée sur sa mule, elle traversait le grand bois, elle aperçut le page qui l’attendait au détour d’un sentier. Vite, elle tourne bride ; et, dans sa fuite, elle abandonne son voile aux rameaux d’une aubépine. Rapide est la course de sa monture ; mais plus rapide est celle du beau page : il est plus léger que le vent, et sous ses pieds l’herbe ne plie point. Pour comble de malheur, la pauvrette, au lieu de suivre, comme sa compagne, le grand chemin de la vallée, s’engage dans un faux sentier que termine un long rempart de roches.
C’en est fait, elle va devenir la proie du ravisseur !… Déjà, il s’apprête à la saisir, et, jetant ses mains frémissantes sur la jeune fille, il pousse un infernal éclat de rire qui remplit le vallon. Mais, en ce moment, Marguerite se souvient de son Fiancé céleste ; elle l’appelle à son secours, elle murmure son nom et s’arme de son signe. Au nom de Jésus, qu’elle prononce avec cette foi qui remue les montagnes, le rocher s’entrouvre et laisse passer la mule qui emporte la vierge chrétienne.
Et le faux page, qui n’était qu’un démon,
Comme au feu d’un bouillant cratère,
Soudain s’abîme sous la terre,
En laissant tomber de sa main
Une chatte ceinture aux ronces du chemin.
La damoiselle de Vergy arrêta sa course près d’une fontaine, à quelques pas de la Roche-Percée. Elle descendit à terre, et, se prosternant, elle voua au Seigneur sa virginité miraculeusement conservée.
Plus tard, de la dot que lui laissa son père, elle composa, en l’honneur de son Époux céleste, un long cantique d’action de grâces, en élevant dans ce lieu un monastère, auquel elle donna le nom de sainte Marguerite, sa patronne.
Étienne BAVARD (1879)
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