Échapper à la Vouivre

Considérons comme un globe lumineux l’œil de la Vouivre, le fanal dont elle s’éclaire dans ses courses aériennes, et qu’elle dépose sur le bord de la source, quand elle descend de ses hautes demeures pour se dé­saltérer ; mais n’oublions pas que ce globe est la chose du monde la plus précieuse.

Il est un objet de convoitise pour tous ceux qui voudraient être les plus opulents habitants de la terre, afin d’aller mettre leur fortune aux pieds de la beauté qu’ils aiment, et d’obtenir sans peine une main que l’avarice leur refuse. De hardis villageois ont conçu la généreuse pen­sée de l’enlever, et leur amour les avait détermi­nés à courir les hasards d’une conquête aussi pé­rilleuse.

Un héros en herbe était de Montrond. Pas bien avisé ou trop brave, il prit peu de mesures de précaution contre la terrible adversaire qu’il avait à dévaliser. Il ne s’était pourvu que d’une pioche, ayant appris par la voix publique que la Vouivre du château de Monrond se retirait de jour dans un trou pour dormir. Certainement, il aurait perdu la vie en combattant, s’il eût combattu, mais par bonheur pour lui, la première idée qui lui vint, dès qu’il la vit s’avancer contre lui, ce fut de se reculer et de fuir à pas précipités. Le jeune Dole (c’était son nom) poursuivi jusqu’au bas de la colline, allait payer bien cher une entreprise aussi téméraire, lorsque, se vouant aussitôt à la Sainte Vierge, il fut enfin délivré des attaques de la Vouivre, en tombant évanoui de peur. Revenu bientôt de sa pâmoison, Dole reconnaissant érigea, sur le théâtre de sa délivrance, un oratoire à Notre-Dame, oratoire que j’ai vu de mes propres yeux.

Hippolyte MONNIER & Aimé VINGTRINIER (1874)

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