Les cheveux conservés

À la campagne, quand une ménagère, fille ou femme, se peigne, elle ne jette point les cheveux qu’elle enlève de sa tête.

J’entrais un jour chez une brave et vieille vigneronne. Je la trouve en train de se peigner et je la vois ramasser avec soin tous les cheveux arrachés par l’opération. Comme elle était très propre, je pensais qu’elle allait les mettre dans un papier pour les brûler. Mais non ; après les avoir roulés autour de son doigt, elle les gardait religieusement dans sa main : – « Eh bien ! Mère Thomas, lui dis-je, vous n’allez point vous débarrasser de çà ? » – « Non par ben, not' moussieu ; j' les ramassons. » – « Et qu’en faites-vous, s’il vous plait ? » – « J' m’en vas les mettre dans la borgnotte. Ils sont là en sûreté, et quand j' ressusciterons, j' serons certaine de les retrouver. »

La borgnotte (ou bornotte) est la cachette toute naturelle du paysan. C’est un des petits interstices qui, çà et là, se rencontrent à l’intérieur des murailles, entre les pierres mal jointes dont elles sont bâties. On y découvrirait aussi bien les piécettes d’argent du vigneron que les cheveux de la vigneronne. – Borgnotte vient de borgne, et veut dire : trou sombre, coin où l’on n’y voit guère. Bornotte n’est qu’une nuance dans la prononciation du mot.

F. FERTIAULT (1886)

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