Culâ

M. Richard décrit ainsi cet être fantastique à l’existence duquel quelques personnes croient encore. « Ne demandez pas quelle est la forme naturelle de Culâ, personne n’en sait rien. On a vu bien des fois Culâ, mais c’était sous une forme empruntée. Culâ est une espèce de Protée. Il n’apparaît qu’au milieu des ténèbres, que dans les moments où le ciel semble menacer la terre de quelque cataclysme. Culâ est sournois, ricaneur, méchant, hypocrite ; Culâ est presque ce qui n’est pas bon ; si vous êtes égaré près d’une rivière par un temps affreux, craignez Culâ ; il est là, sur le bord de la rivière, et se révèle à vous par une pâle lueur. Vous le voyez, il se glisse devant vous, il semble guider vos pas, il côtoie l’eau, vous éclaire de sa douteuse lumière qu’il change insensiblement, donnant à la terre la teinte de l’eau, à l’eau, la teinte de la terre ; prenez garde, il vous conduit, tout droit dans quelques gouffres.
Il apparaît aussi parfois sous la forme d’un bouc trempé de pluie, couvert de boue, grelottant, qui semble vous inviter à monter sur son dos pour passer une passerelle, un gué… Que de fois il a été vu sous cette forme sur les bords de la haute Moselle, dans le canton du Thillot !…
À Cornimont, on dit qu’il aime à s’approcher des personnes pieuses, qui prient avec ferveur, et qu’il suit en riant les pierres que les enfants jettent dans les étangs et les mares.
Au Tholy, on est persuadé que ce n’est que par de gros jurements qu’on peut le forcer à s’éloigner.
Depuis que les marais sont devenus rares, les feux follets qui s’en élevaient la nuit ont à peu près disparu, et avec eux Culâ, qui n’était autre que ces lueurs phosphorescentes. Dans les cimetières, les feux follets sont des âmes errantes.

X. THIRIAT (1878)

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