On a bâti une foule d’hypothèses au sujet de la destination de cette anfractuosité. Était-ce un corps de garde romain, un ermitage, ou, dans le Moyen-Âge, une retraite affectée aux lépreux ? Non, rien de tout cela. C’était un repaire de Sarrazins, un atelier de faux-monnayeurs, ou la demeure de la Dame blanche.
Il y a de cela bien des siècles : la femme d’un seigneur de la contrée, non moins avare que cruelle, pressurait ses vassaux et rançonnait les pèlerins, les marchands, et même les gens d’église, qui passaient sur ses terres. Survint la peste noire qui décima les populations d’alentour.. La dame égoïste voyait périr ses vassaux sans leur donner aucun secours ; elle laissa même mourir sa mère et ses plus proches parents. Pour échapper au fléau, elle abandonna son manoir.
Chargée de ses trésors et poursuivie par les malédictions du peuple, elle se réfugia dans le val du Fier, alors désert et impraticable ; s’installant dans la grotte, elle en mura l’entrée. Adonnée aux pratiques de la sorcellerie, elle évoqua les esprits des ténèbres, et leur confia le soin de défendre les abords de sa demeure, où était amoncelé cet or, fruit de son avarice et de ses rapines.
On ne sait pas précisément à quelle époque la Dame blanche, – si toutefois elle l’a quitté, – abandonna ce monde terrestre. Maintenant encore, quand le val est assombri par les brouillards, et lorsque gronde la tempête, on voit son fantôme, courbé sous la charge d’un sac d’écus, errer dans le fond du val ou dans les bois d’alentour. Tout ce que le fantôme a touché, tout ce que sa robe a effleuré, porte le stigmate ineffaçable de son passage. Le roc s’est crevassé, l’herbe a roussi, les branches d’arbres sont desséchées, tout comme si le feu de l’enfer eût passé par là.
Antony DESSAIX (1875)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire