Une fabrication aussi considérable que celle du pain d’épice devait avoir ses droits et ses privilèges. Le 2 août 1571 les pain-d’épiciers eurent la joie d’être admis aux honneurs du monopole. Pour tenir boutique ouverte dans ce bon vieux temps, il fallait faire un chef-d’œuvre, sous peine de soixante sols parisis d’amende, applicable moitié au révérendissime archevêque, et l’autre moitié audit métier. Les apprentis « pour parvenir à maîtrise » devaient faire un pain d’épice de six livres en présence des maîtres jurés. Tenus de servir trois ans, les susdits payaient, le jour de leur entrée, une livre de cire qui devait être employée à la torche de la corporation portée processionnairement le jour du Saint-Sacrement de l’autel. Mais, en revanche, les maîtres ne pouvaient exiger, lors de leur réception, aucun salaire ; quiconque même allait s’asseoir à un banquet ce jour-là, devait payer quatre livres parisis au révérendissime archevêque.
Le pain d’épice, si mol et si maniable par sa nature, se prête sans peine à prendre toutes les formes qu’il plaît d’inventer. Du rond et du cœur, il s’est métamorphosé en bonhomme, en girafe, en mouton, quelquefois même en édifice.
Il obtient toujours la première place dans nos foires de Champagne, et les heureux marchands qui le débitent ne sont pas ceux dont les recettes sont les plus minimes. Mais, il faut le dire, la loi de 1791 a porté le dernier coup à la respectable corporation des pain-d'épiciers de Reims, déjà frappée par l’édit de 1776. Des réputations rivales ont surgi, les traditions classiques ont été foulées aux pieds, toutes les villes ont fabriqué le pain d’épice de Reims, de sorte qu’il ne nous est plus permis de juger de cette saveur exquise qui lui valait jadis les honneurs de la table des rois.
Alexandre ASSIER (1860)
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