Les salamandres dorées

Lorsque, revenant d’Isigny-les-Bois, l’on arrive à trois cents pas environ de la route de Mortain à Saint-Hilaire, près d’un carrefour que forment deux petits chemins avec l’antique route de Pied d’argent, qui conduit directement au bourg d’Isigny, on peut voir, par une belle nuit d’été, une multitude de petites salamandres, vulgairement appelées mourons. Elles sautillent sur la route, s’enlacent sous vos pas et cherchent à retarder votre course, comme si elles voulaient vous retenir. N’en soyez pas effrayé : elles ne sont pas malfaisantes. Bien au contraire, puisqu’elles possèdent le secret que cherchèrent en vain et si longtemps les alchimistes du Moyen Âge, celui de faire de l’or.

Permettez-nous donc de vous donner un conseil, libre à vous de le suivre ou non.

Si vous êtes armé d’un robuste bâton de voyage, assommez le plus grand nombre que vous pourrez de ces petits animaux. Puis, sans vous éloigner, veillant constamment à ce que nul autre ne s’approche de ces innocentes victimes, dès les premiers rayons du soleil matinal, vous devrez apercevoir à vos pieds, au dire des habitants du voisinage, autant de pièces d’or, que vous aurez tué d’animaux durant la nuit.

L’expérience est facile à faire, et si elle réussit, votre temps n’aura pas entièrement été perdu. Vous ne devrez pas regretter une nuit sans sommeil, passée en compagnie de salamandres dorées, dans un chemin isolé, au milieu de l’obscurité la plus profonde.

Hippolyte SAUVAGE (1859)


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